mytho-la-serie

La représentation positive réaliste et constructive des personnages trans dans la culture, livres, romans, bd, podcasts, au cinéma et à travers les séries est pour moi un enjeu crucial pour passer de la visibilité à la compréhension, voir à une « normalisation dans l’esprit collectif » de nos vies. 

En écrivant cette chronique, je suis tombée (‘magie sur écoute’ des réseaux sociaux) sur cette citation De Paul B. Préciado, dans « Un appartement pour Uranus » par Kevin Lambert dans un article de libération (#Inception) :

Écrire les sexualités minoritaires revient à inventer un langage, à investir une parole subalterne. Pour le dire avec Preciado, dans Un appartement sur Uranus : «Traduire notre différence dans le langage de la norme ; tandis que nous continuons, en secret, à pratiquer un bla-bla-bla étrange que la loi ne comprend pas.»

ww.liberation.fr/debats/2019/10/13/kevin-lambert-le-pouvoir-des-sexualites-queer-est-dans-leur-potentiel-revolutionnaire_1757327

Si je vous partage cette punchline, c’est qu’en bonne « binge watcheuse » que je suis, je vais m’enthousiasmer pour chaque personnage trans qui apparaît dans une série.
Binge watcheuse ET critique, puisque pour que la représentation soit positive il faut qu’elle respecte la centaine de règles trans – lol – (Comme le dit Ce personnage dans la version des « Chroniques de San Francisco » )



Ca commence comme ça

Un dimanche soir, TMTC, je décide de me caler au lit avec MYTHO sur Arté replay, (entre-temps la série est aussi sur Netflix) l’histoire d’une mère de famille overbookée qui est littéralement humiliée par tout son entourage professionnel et familial et qui décide de leur faire avaler  qu’elle a un cancer pour exister enfin à leurs yeux. 

Cette série a bénéficié d’une belle campagne de communication (affichage vidéo Decaux dans le métro et les gares, affichage abribus 4×3, pub vidéo sponsorisée sur les réseaux, etc ), d’un prix en avril au festival lors du dernier Festival séries Mania, du coup je connais déjà le Pitch. 

Je découvre surtout Sam, une ado trans, fille de la dites mère et mytho.  Comme c’est plutôt rare, je me réjouis : mais quelle va être son histoire en parallèle du récit principal ? 

Sam est un personnage particulièrement attachant : elle est fière et déterminée, ne se laisse faire ni par son père ni ses sœurs, et elle est raide dingue amoureuse de son correspondant allemand.  C’est un personnage frais et bien dans sa peau, du moins au début. 





Pour moi c’est un sujet sensible : les ados trans mineurs sont tenus de demander l’accord de leurs parents pour tout, quasiment : traitement hormonal et ou bloqueurs hormonaux, changement d’état civil dénomination à l’école etc. 

Le sujet se prolonge à : « quel est l’accompagnement positif par sa famille dont peut bénéficier décemment un.e ado trans. » 
Je trouve ça fort judicieux de traiter cet angle de vie dans un récit …
je trépigne d’impatience en espérant un nouveau modèle pour montrer comment ça peut être constructif pour un.e ado … 



Et là, c’est le drame

Première grosse déception :  Plutôt que de montrer une famille bienveillante, on a tout l’inverse, non seulement Sam est mégenrée non Stop par sa mère, son père et ses sœurs mais elle en est réduite à supplier pour être juste genrée décemment. 

Quand je rabâche que les mots ont leur importance et que l’emploi de ceux ci fondent la pensée, on peut voir à travers les critiques qui ont fleuri sur la toile ( de sens critique à France Inter en passant par Premiere) que le vocabulaire employé pour nommer Sam dans les articles est précisément le même que celui utilisé dans la série … 

Ensuite TOUTE sa famille et l’école aussi, fait pression pour que elle dise «  LA VÉRITÉ » a son correspondant qui succombe à son charme. 





La vérité … bon sang j’avais beau être allongée j’étais sur le cul d’entendre ça … « la vérité » sur son sexe de naissance ! (En gros fait ton Coming out bon sang = et hop un outing collectif !)  Alors oui le moment où l’on peut expliquer à sa / son partenaire, sa transidentité est délicat, tout dépend de la situation. Pour ma part, j’ai choisi l’option en parler avant quoique ce soit pour éviter alors que le désir est là de se retrouver dans une situation frustrante au minimum, violente à l’extrême .



Le meilleur du pire 

Et c’est d’ailleurs ce qui ce passe dans la série, Accrochez vous pour la suite parce que c’est violent. 


Alors que le flirt entre Sam et son correspondant monte en intensité,  et dans le cadre de l’intimité, le garçon allemand « découvre » les organes de Sam.  Rejet, dégoût, abandon : le garçon quitte la maison pour une autre, en face, en pleine nuit.  Sam essaye de renouer le dialogue en douceur, au lycée, le lendemain, et là, le mec lui décroche un tel coup au visage qu’elle en est défigurée … 



Grosse ambiance, hun. 



Alors tu pourrais me dire :
« ok c’est très violent, mais c’est pour coller au réalisme … »
sauf que non, le correspondant peut péter le nez et tuméfier  l’œil d’une élève de l’école sans sanction ???  La série ne traite pas cet aspect, pire Sam refuse que sa mère porte plainte !!! 


On passe un cap dans la connerie et dans la violence quand Sam qui porte les cheveux longs et bouclés avec une frange, décide de changer de coupées cheveux pour adopter un truc hyper masculin et court façon minet … et zou allons-y pour les quolibets homophobes dans le couloir du lycée  Nan mais oooooh, ça va pas de légitimer l’homophobie ???

Oui je suis totalement blasée du traitement de ce personnage trans dans la série. Il y avait l’opportunité de montrer une famille bienveillante et une manière constructive d’accompagner un.e ado trans.  Je l’ai écrit plus haut, c’est un enjeu : quand on voit le nombre d’enfants mis à la rue et rejetés par leurs familles, les violences qu’iels doivent subir pour se faire accepter dans un cadre hiérarchique où iels n’ont pas l’opportunité de faire respecter leurs voix..: ( dans le triste exemple du documentaire de France 2 sur les ados trans – je cherche le lien et je le mets à jour promis 🙂 )

Et là on nous sort la violence, la conformité à une norme hétéro l’abandon et la résignation de son être profond. 

Je vais même creuser un peu plus loin, car après tout, un sens induit me brûle les yeux : la série fait traîner l’ombre du mensonge sur les vies des personnes trans en montrant cet ado trans se résigner à la conformité de son identité.  L’acte de choisir une coupe de cheveux porte une symbolique de renoncement.  Dans d’autre série on a pu voir cette torture, dans Hit & Miss par exemple, . 

Si on écoute la scénariste et le metteur en scène, interviewé.e.s sur France inter le 9 octobre, pour elleux, cet aspect colle au thème de la série, seulement sous l’aspect du mensonge.



Tout ça pour ça …


Franchement Arté, et maintenant Netflix, je m’attendais pas à ça de votre part … 
Globalement Je suis persuadée que changer cette représentation dans la culture mainstream contribue à ouvrir les mentalités rétrogrades ou déniantes, et ici c’est tout l’inverse.

L’empathie est un moyen ultra puissant de transmettre, de raconter un moment de vie en donnant l’occasion « d’être à la place de » et de le mémoriser.  Autant l’utiliser à bon escient plutôt que de participer à engluer le public dans la confusion avec des propos malveillants.